Poignez vilain

Toute le monologue « la Solitude du Mammouth » est construit sur l’illustration d’un vieux proverbe médiéval qui est parvenu jusqu’à nous grâce à Rabelais :

Oignez vilain, il vous poindra
Poignez vilain, il vous oindra.

La plupart des commentaires s’appesantissent sur la figure de style. Ici le vilain n’est pas nécessairement paysan ou serf. Le dicton est destiné à l’honnête homme, ou à l’honnête femme : le vilain est, en français moderne, juste un beauf.

Bérénice, jouée par Geneviève Damas, est une honnête femme d’autant plus assurément qu’à la fin la justice immanente lui donne raison – laquelle ne s’embarrasse pas de la morale ordinaire.

Dans le pièce, tout est vrai :
les mammouths ont vraiment commencé à disparaître au Pléistocène inférieur alors qu’homo sapiens était déjà entré dans l’histoire ;

Joseph Beuys est un réel artiste allemand qui a en effet été exposé à Beaubourg en nonante quatre ;

les techniques colombophiles pour attirer les pigeons sont rigoureusement exactes ;

les moteurs thermiques n’aiment pas du tout le sucre

Ambiorix, chef des Eburons aussi, tous ceux qui ont lu la guerre des Gaules d’un bout à l’autre (de moins en moins nombreux) le savent – des germains d’ailleurs selon César ;

et Brice bien sûr, est un beauf parfait.

Petite rouerie supplémentaire, qui n’aura échappé à aucun belge, il se pourrait que le grand travail de ce pâle universitaire ne soit en définitive que le projet fictif de décalque de l’épopée en cinq chants publiée par un certain Johannes Nolet de Brauwere van Steeland en 1841 et traduites en français en 1846 par Pierre Lebrocquy.
Une raison supplémentaire, pour que justice passe.